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Harcèlement : Comprendre et Agir

Le harcèlement scolaire, nous sommes une personne sur dix à avoir été ou être concerné(e).

Le harcèlement, ce fléau

Demain, c'est la journée nationale de lutte contre le harcèlement. Cette journée existe depuis 2015 et pourtant le harcèlement sévit encore et encore.

Cette semaine, nous sommes nombreux à avoir regardé "Le jour où j'ai brûlé mon coeur". Le film est fort car, à de multiples reprises, on nous montre le moment où ce jeune garçon s'immole. Une image répétée encore et encore afin d'insister sur la souffrance intense ressentie par le jeune. 

Le harcèlement prend bien des visages. Certains endurent, d'autres n'en peuvent plus. Le harcèlement dure parfois une année, parfois des années. Parfois ce sont des actes répétés, mais qui "semblent supportables" (cartable jeté, moqueries qui n'ont pas lieu tous les jours). Parfois, c'est insupportable.
Tout harcèlement nécessite pourtant réaction.

Face au harcèlement, la plupart des enfants se réfugient dans le silence. Parfois même, ils minimisent, nient ce qu'ils vivent par peur ou désir de supporter leur réalité.

D'autres parlent, essaient de lutter. Si l'enfant est très jeune, il est rarement pris au sérieux. Noélanie, une enfant de 8 ans en est décédée. La justice avait été saisie. L'enfant avait raconté son calvaire dans une lettre bouleversante (violences et étranglements pour un pseudo jeu). A 8 ans, il parait qu'on ne meurt pas. A 8 ans, il parait qu'on ne peut pas être harcelée. Nul besoin des réseaux sociaux pourtant. Le harcèlement peut être PARTOUT.

D'autres quittent le système scolaire, généralement en demandant le CNED réglementé ou bien en choisissant l'instruction à domicile. Témoignage de Val ici avec un jeune qui a retrouvé la joie de vivre en s'éloignant de l'enfer scolaire.

Clip Petite Emilie par Keen'v

Témoignage

Le harcèlement est favorisé par les réseaux sociaux, c'est certain. Cependant, il existait avant, bien avant les réseaux sociaux.
De plus, comme nous l'avons évoqué, il existe au primaire, là où les réseaux sociaux n'existent pas encore. 

Le harcèlement, je l'ai vécu. 
Lorsque j'ai regardé le film lundi, j'ai ressenti cette détestable impression de déjà vu. 

Le sport, trop souvent premier lieu du harcèlement. Je n'étais pas trop ronde, "seulement" amblyope et sans doute dyspraxique. Je tombais de la poutre, étais incapable de sauter par-dessus le cheval d'arçon, incapable de réaliser une roulade droite. Trop souvent, je manquais le ballon, marquant parfois contre mes équipiers. Pendant mes années de collège, l'enseignante agissait comme l'enseignant du film "Fais attention", "Mais écoute donc". J'écoutais, je faisais attention. Je n'y parvenais pas. Elle s'agaçait. Sa non compréhension, son manque d'écoute amplifiaient mon agitation. Les autres riaient, se moquaient, me bousculaient, jetaient volontairement le ballon sur mon dos, tendaient la jambe. Pour eux, c'était si drôle et surtout tellement exutoire pour les frustrations ressenties tout au long de la journée. 

En classe, j'ai eu droit aux coups dans le dos, aux objets jetés, aux écharpes tirées pour jouer à "me faire peur". J'étais bonne élève, j'ai rarement été disputée à la place des autres. Mais trop de chahut, les enseignants ne sont pas intervenus à chaque fois. Etant donné qu'il n'y avait aucune communication entre enseignants et surveillants à ce propos, personne ne voyait ce que j'endurais.

Devant la classe, j'étais bousculée, poussée, on jetait mon cartable, mon manteau, mon bonnet si j'avais le malheur de les retirer. On les piétinait. Taquineries d'enfants, pensaient-ils.

A 12 ans, déjà, je portais un 95C. Des filles me jalousaient. Les garçons étaient affolés. Moqueries car, selon eux, je n'étais pas normale. Les garçons soulevaient ma jupe, touchaient et pinçaient mes seins. Mes larmes n'y changeaient rien. Parfois je voyais une hésitation dans les yeux de certains, mais d'autres insistaient, prenant le relai. Le groupe, élément clé du harcèlement.

Comprendre

Lorsqu'une amie de mes filles nous a raconté le harcèlement dont elle avait été victime, je me suis sentie concernée. J'ai aussitôt pensé "Mais ça ne s'arrêtera donc jamais" !
Volonté d'agir, j'ai choisi de me documenter, de collecter des témoignages via un appel à témoignages et une collecte sur le net. Je cherchais à comprendre afin de mieux en parler. 
Après plusieurs années et plusieurs partages gratuits de celui-ci, après des centaines de lecteurs m'ayant écrit avoir été bouleversés,  l'an dernier, l'association Cultitalents a choisi d'éditer mon livre "Mourir à onze ans". Il est disponible ici, vous pourrez également y lire le début de l'ouvrage

Il s'agit d'une fiction. Vous y découvrirez une vision en gris car le harcèlement, ce n'est pas tout noir ou tout blanc.

En effet, on véhicule parfois l'idée d'un "méchant" harceleur. Pourtant, si certains ont effectivement un sérieux problème : être pervers narcissique, c'est possible dès l'adolescence; la plupart du temps, les enfants et jeunes concernés ne sont pas fondamentalement "mauvais".

Dans mon cas, je suis persuadée qu'ils n'ont jamais compris, réalisé pourquoi leur attitude était malsaine. Une des harceleuses rencontrée des années plus tard conservait un souvenir ému de moi. Face à elle, je suis restée perplexe. Elle se souvenait que j'avais été bonne élève, elle avait complètement zappé les moments où elle avait contribué au harcèlement que j'avais enduré.
Il est probable également que ceux m'ayant le plus fait souffrir n'ont pas conscience de ce qu'ils ont fait.

Alors comment ? Pourquoi en arrive-t-on là ?
  • Le phénomène groupe : d'une part, la somme des petits actes agressifs produit le harcèlement, d'autre part en groupe, la plupart des personnes oublient leur libre-arbitre, leur capacité de réflexion. C'est encore plus vrai à l'adolescence où le jeune a besoin de se sentir accepté.
  • L'éloignement de ses émotions : avez-vous observé les meneurs lors du film "Le jour où j'ai brûlé mon coeur", ils semblaient ne rien ressentir ! Pour eux, rien ne semblait réel. Jonathan était considéré comme faible et casse-pied parce que son acte risquait de leur causer des ennuis, il "aurait voulu faire son intéressant". Exit son désespoir. Le nier permet de ne pas culpabiliser.
  •  La non écoute : non écoute du harcelé bien sûr, mais également non écoute du harceleur. Ainsi, dans Mourir à onze ans, j'ai souhaité sortir des clichés habituels et montrer comment une fille bonne élève et a priori "gentille fille" devenait harceleuse. Certes, il s'agit d'une fiction, mais pour m'être documentée sur le sujet, c'est une réalité.
  • Le manque de communication : manque de communication parfois au sein de la famille, en classe et trop souvent au sein de l'équipe éducative (ce dernier point étant moins vrai aujourd'hui qu'à mon époque - bon sang, c'est officiel, je suis un dinosaure). 
  • La frustration, la violence ressentie : j'en parlais dans le paragraphe précédent. Le premier moment où j'ai été harcelée, c'est en cours de sport ! Je suis persuadée que c'est le cas de la plupart des harcelés. Observez les cours de sport : les élèves y arrivent, tendus, énervés, excités. Enfin, ils vont pouvoir évacuer les tensions accumulées, la pression ressentie, le désintérêt, l'ennui, tous les contrôles, les changements de classe, d'enseignants, le bruit en classe. Le sport, c'est presque une récréation ! Seulement voilà, il faut encore obéir, respecter des règles, réussir encore. A ce moment là, le besoin d'un bouc émissaire devient pressant. Le "mauvais en sport" est tout désigné. Jeter un objet, crier lorsqu'on est sous tension, ça libère chacun de nous! Avec une cible, c'est encore mieux. Tout est prêt pour le harcèlement.
  •  La peur : ce n'est pas pour rien si un des angles centraux de mes kits est la différence. Deux des raisons pour lesquelles j'ai été harcelée sont cette poitrine précoce et ronde, mais également mon esprit un peu trop différent des enfants de ma classe. Je les effrayais car je ne fonctionnais pas comme eux. 

Agir

Pour agir, il est donc important de prendre en compte tous ces points.
Tant que ce ne sera pas le cas, le harcèlement continuera et sera aussi présent.
  • Le groupe : le groupe n'est pas une mauvaise idée. Les adolescents ont souvent besoin du groupe. Invitons-les cependant à développer leur libre-arbitre. De plus, transformons le groupe: proposons des actions constructives.
  • Reconnexion avec ses émotions : il parait qu'il faut s'endurcir, se couper plus ou moins de ses émotions. Voyez où cela mène : au harcèlement, aux guerres, à l'indifférence parfois... Le monde ne tourne pas suffisamment bien. Et cela commence durant l'enfance. C'est une des raisons d'être de la rubrique Bienveillance de ce blog.
  • La non écoute : si nous-même, nous sommes éloignés de nos émotions, nous avons tendance à ne pas écouter... nous avançons jour après jour, accumulant frustrations et rancoeurs... Comment parvenir à écouter alors?
  • Le manque de communication : des efforts sont déjà réalisés dans certains établissements. Pour avoir récemment entendu plusieurs histoires de harcèlement, ce n'est pas encore suffisant. En famille, privilégions également la communication par des moments échanges programmés ou non. N'attendez pas les problèmes pour communiquer : si l'habitude est prise de ne pas communiquer sur ce qui va bien, rien ne sera dit sur ce qui ne va pas.
  • La frustration, la violence ressentie... Une refonte complète du système en place est nécessaire. Hélas, il me semble que les mesures envisagées ne vont pas du tout dans le bon sens... On croit qu'un durcissement résoudra tout... Le harcèlement existait lorsque j'étais enfant et à cette époque, l'enseignant avait toujours raison. Le jour où la maitresse de CE2 a envoyé à l'hôpital un enfant car elle lui avait coupé l'oreille avec une règle en fer, elle n'a pas été inquiétée. Le sentiment de culpabilité l'a poussée à prendre deux jours d'arrêt. Nous avons continué en ayant peur d'elle.  Une fois encore, c'est pour ça que je me bats pour Des Ailes pour apprendre. Des alternatives existent, d'autres façons d'apprendre aussi !
  •  La peur : la peur de la différence peut être combattue d'une seule façon : l'ouverture à l'autre. En stigmatisant, rejetant quelqu'un pour une question de couleur de peau, de religion, de handicap, de mode de fonctionnement, la peur grandit... La peur nuit à chacun de nous. Apprenons à nous connaître. 
En Finlande, une vraie solution contre le harcèlement a été mise en place. Il s'agit notamment d'enfants médiateurs, de ne plus fermer les yeux et de prendre conscience de la réalité du harcelée.

Pour découvrir/retrouver mon livre, c'est ici.

Merci d'avoir lu cet article et à très bientôt !

*Liens en cliquant sur les intitulés bleus.

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Commentaires

  1. Bonjour,
    On dit que cela peut rendre plus fort, endurci. Moi cela m'a détruite et aujourd'hui je ne m'en sens pas vraiment guérie. Merci d'en parler, mais comme tu dis l'éducation nationale ne prend pas le bon chemin... J'avoue que la première raison de ne pas scolariser mes enfants était cette peur du harcèlement, surtout quand je vois ma fille ainée, si réservé, si gentille et sensible, incapable de se défendre... enfant, j'étais moins réservée avec les gens, depuis... depuis j'ai peur encore, même si le temps guérit sa part aussi. Enfant, le nier m'a permis de le minimiser, après tout ce n'était pas reconnu. Ton post m'a touché c'est sûr. Merci de t'être dévoilée, je n'en aurais pas le courage.
    au plaisir de te lire.

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    Réponses
    1. Bonjour,
      Merci de ton témoignage. Je te souhaite d'enfin trouver la paix... As-tu essayé une lettre, soit lettre en deux temps : une lettre "brute de coffrage" où tu livres ton coeur et tu t'en tiens là, soit cette lettre, puis une autre plus posée envoyée aux anciens harceleurs. Cette dernière option pouvant mener à une absence complète de réponse...
      Bonne journée !
      Bien à toi,
      Isa LISE

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