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Comment apprendre à lire ?


Comment apprendre à lire

Cet article vous invite à une réflexion documentée autour de la lecture. Installez-vous confortablement, le billet est un peu long. ☺

4 parties pour ce billet :
  • La lecture, une question de motivation et de maturation intellecturelle
  • Mon avis sur la méthode globale et la méthode mixte
  • Des méthodes de lecture intéressantes
  • Comment apprend-t-on à lire avec moi ?


  •  La lecture, une question de motivation et de maturation intellectuelle

Tout d'abord il ne suffit pas de décider que l'enfant a l'âge requis ou que nous souhaiterions que l'enfant lise pour qu'il lise, l'enfant motivé et sans difficultés particulières pourra même apprendre sans que l'adulte n'intervienne.
Ainsi de jeunes enfants apprennent à lire, parfois seuls, parfois accompagnés quand d'autres enfants tardent à entrer dans la lecture et plus l'adulte insiste, plus certains enfants résistent...

Transmettez le bonheur de lire (un billet à retrouver sur le sujet là), essayez de vous libérer de vos angoisses en donnant du temps à l'enfant. ☺

Sur le site de l'école autonome de type Sudbury située à Genval (Belgique), un article de Peter Gray est relayé .  
Peter Gray est professeur-chercheur à Boston College et auteur de "Free to learn". Il se concentre sur les moyens d'apprentissage naturels.
Selon un appel à témoignages les enfants en "apprentissages naturels" ont appris à lire entre 4 et 11 ans.  La majorité des enfants a appris à lire naturellement entre 7 et 9 ans, autant dire que tous les enfants ne sont pas prêts à 6 ans et que trop insister risque de provoquer des difficultés qui auraient pu être évitées...
" Quelques uns ont appris de manière consciente, en travaillant systématiquement aux syllabes et en demandant de l’aide au fur et à mesure. D’autres ont “juste appris”… Un jour ils ont réalisé qu’ils savaient lire, mais ils n’avaient aucune idée comment ils avaient appris."
J'ai su lire à 4 ans, naturellement, sans savoir comment j'avais su lire. Et puis, à l'âge adulte, lorsque je me suis intéressée à ces questions de lecture afin de mieux accompagner les enfants, j'ai réalisé qu'il y avait eu des indices déposés ici et là (par exemple, de mémoire, la maitresse de maternelle prenait le temps de lire en insistant sur les syllabes, elle ne découpait pas les mots, elle rendait la lecture vivante par des accentuations), des indices que j'avais saisis parce que j'étais motivée et prête.

Un enfant motivé et sans difficultés particulières apprendra de toute façon avec n'importe quelle méthode ! ☺


  • Mon avis sur la méthode globale et la méthode mixte


Il y a les partisans de la méthode globale (rares me semble-t-il), les partisans de la méthode mixte, les partisans de la méthode syllabique (ou alphabétique).
Il semble que la méthode globale soit une bonne chose pour les enfants sourds et certains enfants autistes.
Pour les autres enfants, je la déconseille vivement ! 
Un lien allant dans ce sens ici.
Cette méthode impose l'apprentissage par coeur de mots entiers. Or un enfant qui apprend ainsi n'apprend pas à reconnaître des mots nouveaux, il n'apprend pas à analyser les nouveaux mots pour les lire.

La méthode mixte, quant à elle, s'appuie à la fois sur un découpage syllabique et l'apprentissage par coeur avec donc une fois encore une non réflexion sur le "pourquoi ça se lit ainsi" et donc une automatisation de mots avec fréquent risque de difficulté lorsque l'enfant découvre des mots nouveaux.

Ces méthodes ne poseront aucun souci à certains enfants qui apprendront à lire quelle que soit la méthode!  
En revanche, pour un bon nombre d'enfants, ces méthodes créent des difficultés qui conduisent à penser à une dyslexie... Ce n'est pourtant pas le fonctionnement de l'enfant qui est en cause, mais la méthode ! Elles accentuent également les difficultés des enfants dys.

Sur son blog (lien), Marc-Olivier Sephiha alerte également sur cette méthode. En effet, alerté par une recrudescence d'adolescents en difficulté en orthographe (95 % d'élèves faisaient des erreurs en retranscription de sons...) et persuadé qu'ils n'étaient pas tous dys, il a cherché avec quelle méthode ils avaient appris. Les résultats furent édifiants !
Un tableau nous révèle ainsi les sérieuses difficultés rencontrées en grammaire, vocabulaire et lecture/écriture de sons lorsque l'enfant de 6e a appris avec une méthode mixte...

  • Des méthodes de lecture intéressantes

Ci-dessous je vous présente une liste de méthodes intéressantes. La liste n'est pas exhaustive, j'ai cependant retiré les méthodes que j'ai jugé ennuyeuses ou mal conçues pour x raisons. Chaque méthode est commentée. Le classement ne correspond pas à mes préférences, il est aléatoire.

 Taoki et Compagnie

Une méthode syllabique complète avec un manuel et des cahiers d'exercices.
Il est possible de les feuilleter en ligne ici.
J'aime : la découverte des syllabes, la lecture de mots simples, les lettres grisées qu'on ne lit pas, le personnage amusant de Taoki.
J'aime moins : certains mots présentés en lecture alors que le son complexe n'a pas été découvert.
Méthode cependant testée et appréciée.


La méthode Boscher
J'aime : les jolies illustrations, le vocabulaire simple, la lettre-son mise en valeur.
J'aime moins : le découpage arbitraire, par exemple sur une autre page, on peut lire "pou let", certes cela correspond au découpage syllabique. Cependant les enfants dys éprouvent beaucoup de difficultés à segmenter les mots et ici on leur montre "poulet" sous la forme de deux mots puisque séparation entre les syllabes... Une méthode selon moi à éviter pour les dys et à utiliser avec précaution pour les autres qui sont "à profil sensible", c'est-à-dire les enfants qui ont tendance à pratiquer la conservation et donc tendance à enregistrer ce découpage visuel.

 La méthode Montessori
Pour Maria Montessori l'écriture précédait la lecture. Par conséquent l'enfant était invité à créer des mots avec des lettres rugueuses.
Hélène Lubienska a, quant à elle, imaginé des dictées muettes pour proposer des situations d'écriture/lecture.
Vous trouverez également quelques dictées muettes que j'ai créées sur ce blog (lien).
J'aime : l'enfant n'a pas à attendre de savoir lire pour communiquer, l'apprentissage est plus naturel du fait que l'enfant cherche à communiquer, le fait de mêler plusieurs sens (approches visuelles, kinésiques et auditives). J'aime également que voyelles et consonnes aient une couleur différente pour être mieux repérées.
J'aime moins si l'enfant n'est pas invité à comprendre comment les mots sont crées.
N'hésitez pas à renouveler votre banque d'images-mots, à écrire de la même couleur les syllabes ou sons afin que l'enfant puisse plus facilement les identifier, comprendre ce fonctionnement et donc lire de nouveaux mots.


La planète des alphas
J'aime : visiblement la majorité des petits apprécie, une histoire amusante autour des sons, un véritable univers ludique autour des lettres.
J'aime moins : l'apprentissage proprement dit de la lecture avec des sons parfois complexes que l'enfant ne sait pas encore identifier.
De plus certains enfants pratiquent la "conservation", le fait que les lettres soient en fait des mots lettres les incitent alors à associer lettres et mots et créé pour ceux-ci des difficultés.
Selon moi, bien pour introduire la lecture, mais pour un certain nombre d'enfants un complément d'informations est nécessaire.


Méthode Borel- Maisonny
Titre de l'ouvrage : Bien lire, aimer lire par Clotilde Silvestre de Sacy. 
J'aime l'association geste-son, les voyelles en rouge, la simplicité du vocabulaire sans être simpliste (j'évite les listes où on lit "baba, bébé, bubu, bobo" par exemple.  L'enfant a besoin d'être intéressé, il a dépassé le cap où il répétait des sons proches pour s'entrainer à parler).
J'aime moins : les photographies un peu désuètes (dans l'exemplaire consulté), les phrases sans vraie intérêt, des phrases basiques de "tous les jours" (c'est un regret que j'ai souvent eu en consultant différentes méthodes, j'y reviendrai dans la dernière partie du billet).


Méthode naturelle de lecture de Freinet

Dans la méthode Freinet on apprend à écrire avant de lire. L'enfant commence par dicter à l'adulte ce qu'il souhaite écrire. Dans le même temps il est encouragé à laisser des traces de ce qu'il souhaite communiquer sous forme de dessins ou de tentatives d'écriture. 
En écrivant l'enfant est invité à faire des analogies ainsi lorsqu'il écrit "dimanche", il constate qu'il retrouve le "man" de "maman". 
Une étude menée par André Ouzoulias en 1999 avait révélé que les enfants ayant appris avec la méthode naturelle faisaient moins d'erreurs orthographiques en CE2 que les enfants ayant appris avec une méthode phonique. En effet ils avaient appris à prêter attention aux mots rédigés.

J'aime : le naturel de cette méthode, l'association écriture/lecture, les intérêts des enfants respectés, la réflexion menée sur l'écriture des mots.
J'aime moins : le caractère un peu pauvre de ces textes. En effet il est surtout question du quotidien et pour ma part je pense aussi important d'emmener l'enfant dans d'autres univers. Cependant Freinet est un pédagogue qui m'a beaucoup inspirée ! Je compte d'ailleurs vous reparler de lui d'ici quelques temps. ☺

  • Comment apprend-t-on à lire avec moi ?

Tout d'abord je ne crois pas à une méthode unique, vous le savez, je crois à l'adaptation individuelle.
Compliqué ? Impossible d'appliquer à un groupe classe ?
Compliqué peut-être... Cela dépend aussi de vos attentes... N'oublions pas que chaque enfant suit son rythme personnel et que si certains enfants parviennent "à s'adapter aux demandes des grands", ce n'est pas le cas de tous.
Impossible d'appliquer à un groupe classe ?
Pas toujours facile car jusqu'à aujourd'hui je n'ai trouvé aucune méthode qui me satisfasse pleinement (suis exigeante avec les méthodes), mais il existe suffisamment d'outils pour accompagner nos apprentis lecteurs (cf. partie précédente).

1/ Tout d'abord ne pas perdre de vue que certains enfants apprennent seuls, en prélevant des indices ici et là ! Avec eux, n'importe quelle méthode ou absence totale de méthode conviendra ! Ils piocheront ce dont ils ont besoin quand ils en ont besoin. ☺

2/ Certains enfants ont simplement besoin d'un déclic et/ou d'un coup de pouce.
Un peu de temps leur est parfois nécessaire, le temps pour eux d'être neurologiquement et psychologiquement prêts.
Parfois ils ont également besoin d'être rassurés, encouragés : quelques mots tandis qu'ils tâtonnent suffisent parfois à les "décoincer". J'ai ainsi le souvenir d'un enfant en difficulté (pour qui, -le mot est hélas trop rapide-..., on parlait de dyslexie), il a suffi d'une heure avec lui, il lui manquait une clé pour comprendre comment on pouvait lire et une clé pour croire en ses tâtonnements. Le soir-même il lisait sans relâche. Cet enfant est devenu un "dévoreur de livres" !

3/ Certains enfants ont besoin de plus de temps et surtout qu'on leur explique comment ça fonctionne.
Certains enfants ont besoin d'un peu plus d'accompagnement. 
La lecture, ça n'est pas facile pour tous. Apprendre à lire, c'est apprendre à déchiffrer et apprendre à comprendre.
Parfois certains enfants "n'entendent pas" ce qu'ils lisent et ils ne comprennent pas... Ils se découragent...
Parfois certains enfants récitent toutes les syllabes dans leur tête et n'arrivent pas à aller au-delà et ils se découragent. 
Parfois certains enfants veulent comprendre tout de suite tout ce qu'ils lisent, ils se découragent.

Pour ma part j'accompagne cet apprentissage selon trois directions principales : 

1/Entendre et vivre ce qu'on lit
Par conséquent j'encourage la lecture à voix haute et non le décryptage dans la tête qui selon moi est une très mauvaise idée. Cette idée est partagée par Elisabeth Nuyts que vous pouvez lire ici.
Et comme il n'y a aucune raison que l'enfant lise seul, je lis aussi !
D'autre part, si besoin et possible je m'efforce (ou propose si pas assez de temps avec l'enfant) de stimuler plusieurs sens.
Par exemples proposer une recette de cuisine pour ouvrir les papilles et lire en même temps ou bien bricoler ou expérimenter : toucher, ouie, odorat et vue sont également sollicités.
Ecrire avec des lettres rugueuses ou magnétiques, un moyen de vivre dans son corps cet apprentissage.
N'hésitez pas à lire et chanter des comptines afin de vivre la lecture. 
Au sujet de l'approche plurisensorielle de la lecture, je vous propose cet intéressant mémoire de Léni.  

2/Déchiffrer c'est bien, mais lire ce n'est pas déchiffrer. 
Voilà pourquoi j'évite de collectionner les associations à répéter (ba, be, bi, bo), l'enfant lit peu ces associations, il est invité à découvrir des mots qui existent et non des associations de sons arbitraires.
Je propose également des associations de mots découpés en fonction des syllabes ou sons et images.

3/Lire et écrire ce qui intéresse l'enfant. 
Selon moi lire et écrire sont étroitement liés, l'enfant a besoin d'écrire en apprenant à lire et il a besoin de lire (ou d'entendre lire) pour apprendre à écrire. Par conséquent très tôt je propose des situations d'écriture en lien avec nos lectures (ou pas si ça ne tente pas l'enfant).
Ensuite et bien je gère en fonction des intérêts personnels de l'enfant. Les lectures sont donc triées en amont, je m'efforce d'aller là où je pense "trouver" l'enfant. Il m'arrive parfois de me tromper, j'ai donc toujours un plan B en réserve avec d'autres lectures dans ma hotte. :)
Enfin tant que l'enfant en a besoin nous lisons à plusieurs voix afin qu'il puisse comprendre suffisamment vite sans se décourager.  ☺


Et pour mettre tout cela en forme, j'ai conçu une méthode de lecture à retrouver là. 

Merci d'être allés au bout de ce très long message, j'espère qu'il aura répondu à vos principales questions. ☺
Bons apprentissages en lecture !


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