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Instruire un enfant


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Instruire à l'école
Instruire sans école

 Instruire à l'école

 

 (image Morgue file libre de droits)

Il y a 30 ans, en plus du métier d'auteure, j'ai choisi d'étudier pour devenir enseignante. J'avais alors 11 ans, un désir immense d'apprendre, mais pas les moyens pour satisfaire ce besoin. Chez moi, les livres étaient très limités. Internet n'existait pas encore. Ma mère était maman au foyer, je grandissais dans une ferme, on me répétait qu'une femme est née pour servir les hommes, qu'elle vaut moins qu'eux. Pour les autres collégiens, j'étais également "moins" qu'eux puisque je grandissais au milieu des animaux. J'étais pourtant propre et polie, mais j'étais "une pauvre", mon destin leur semblait scellé et cela même si j'étais parmi les meilleurs élèves de la classe.
Jamais je n'ai accepté ces idées rétrogrades. Au contraire j'ai choisi l'enseignement pour que chaque enfant puisse apprendre équitablement, parce que je voulais offrir à chacun une chance de construire l'avenir qu'il souhaitait, parce que j'étais alors persuadée que l'instruction est la clé première. 
Lorsqu'on manque de nourriture intellectuelle, on sent avec acuité combien celle-ci est nécessaire.

Et puis différentes circonstances, différents choix m'ont amenée à enseigner uniquement auprès de petits groupes ou d'enfants individuels. J'aime transmettre, j'aime apprendre autant que l'enfant à mes côtés. Pourtant tout au long de ces années mes certitudes ont été malmenées, parfois balayées...

Récemment j'ai vu un reportage sur les enfants de Mayotte, ce n'est pas le premier sur le sujet et je suis toujours bouleversée quand je vois des enfants prêts à tout pour apprendre, des enfants qui apprennent dans des conditions plus que difficiles et avec si peu de moyens... parce que même si je n'ai pas connu ces extrêmes, leur désir d'apprendre, leur désir d'une vie meilleure fait écho au mien... J'aurais pu être mariée très jeune... j'aurais pu être "seulement une maman au foyer". Dans les faits je suis restée auprès de mes filles plusieurs années sans travailler à l'extérieur, c'était un choix, mais je n'ai jamais manqué d'émulation intellectuelle, j'ai écrit, j'ai appris et je continue encore. Aujourd'hui encore je construis mon chemin.

Etre instruit est un droit, une nécessité... Sans savoir lire ou écrire, sans savoir compter, comment défendre ses intérêts ? Combien de portes se ferment ?
Le système scolaire n'est pas parfait... Parfois je songe à enseigner dans une classe, je m'imagine pourtant peu dans un système classique parce qu'avec les impératifs de l'éducation nationale le rythme de l'enfant m'y semble peu respecté, parce que l'expérience de l'instruction en famille a fondamentalement changé mon point de vue.
Une seule constante est restée : la certitude qu'un enfant a besoin d'apprendre, qu'il a besoin de pouvoir choisir son destin et que pour cela, certaines clés lui sont indispensables.


Instruire sans école



Avec l'instruction en famille j'ai découvert bien plus de possibilités que je n'imaginais...
Il y a 10 ans j'avais encore de grandes théories... et même si des pédagogies alternatives m'attiraient, jamais je n'aurais imaginé possible la manière dont les filles ont appris...
Lorsque nous avons commencé l'instruction en famille, j'ai préparé des programmes, des plannings sur le long terme pour comprendre très vite qu'en agissant ainsi je ne suivrais pas leur rythme à elles.

Aujourd'hui il est beaucoup question du film Etre et devenir, des apprentissages autonomes, ce n'est pourtant pas la seule voie pour instruire un enfant. Les interprétations concernant les apprentissages autonomes sont variées. Ici je vous expliquais la façon dont nous les avions vécus.
Pour ma part je ne crois pas au chemin unique... je me garderai donc de vous donner des leçons pour suivre tel ou tel chemin, je me contente d'indiquer le nôtre.
Une famille est toujours unique et il me semble important de prendre en compte les besoins de chacun : besoin des parents, besoin des enfants pour parvenir à un équilibre familial que celui-ci passe par des cours par correspondance, le homeschooling, les apprentissages autonomes ou bien une instruction personnalisée qui n'a finalement pas d'étiquette précise.

A la maison les filles ont appris via des supports formels ou informels, elles ont aussi bien appris dans des livres que des films, quelquefois via des exercices scolaires, souvent avec des expériences, des voyages, des vécus... Ci-dessus vous pouvez ainsi voir le bain de Zéphyr, notre petit dernier, un chat différent à qui il a fallu apprendre à marcher, c'est un apprentissage qu'on ne trouve pas dans les livres, un apprentissage qui leur a montré qu'on peut lutter contre la fatalité, un apprentissage qui leur a permis de se centrer sur un autre être vivant... Vous avez peut-être également reconnu un champ lexical, ils sont largement utilisés ici puisque de nombreuses situations d'écriture sont proposées et demandées par les filles, toutes ces situations ont développé leur culture et leurs compétences rédactionnelles et orthographiques. Enfin photo d'un temple à Taïwan où langue, ouverture à l'autre et géographie ont été vécues.

Il y a 10 ans je ne croyais pas au unschooling... je pensais que les enfants restaient alors sur le bord du chemin, abandonnés à eux-mêmes...
En dehors du unschooling (je ne connais pas personnellement d'adultes qui ont été unschoolés), des enfants qui ont grandi seuls, sans que les parents semblent présents, j'en connais quelques uns, ils n'ont pas noué de relation privilégiée avec leurs parents, ils se sont parfois/souvent senti oubliés... Je ne voulais pas de ça pour mes enfants d'une part parce que je crois à une éducation où les parents donnent racines et ailes et cela passe donc par une présence, d'autre part pour les raisons citées dans le paragraphe précédent : il me semble important d'offrir une véritable instruction à son enfant.
Alors comment en suis-je arrivée à ne rien imposer à mes filles et pourtant à ce qu'elles soient instruites et motivées pour continuer d'apprendre ? Le temps... les échanges avec elles... la confiance qui se construit en elles, en moi. Je suis restée fidèle à ce qui m'importait : lorsque je pensais un apprentissage important, je leur ai expliqué pourquoi il l'était et j'ai cherché d'autres présentations lorsque la première ne convenait pas ou j'ai attendu ou alors tout simplement j'ai réalisé qu'il ne l'était pas...
Quand on propose à son enfant, cela prend du temps... surtout au début lorsqu'on ne sait pas où aller, lorsqu'on veut trop bien faire... et puis on apprend à cerner le profil de l'enfant, à sélectionner. Et puis l'enfant grandit et cherche seul...
Proposer ne signifie pas proposer constamment sinon l'enfant n'a plus le temps de chercher tout seul, plus le temps de se projeter et je crois que c'est aussi pour ça que mes filles ont un tel désir d'apprendre à 15 et 18 ans : elles ont été "nourries" et elles ont pris l'habitude de se nourrir.

Parfois, lorsque je lis certaines définitions des apprentissages autonomes telles que "il ne faut rien proposer ou bien on coupe l'élan vital de l'enfant", je m'interroge. Et si c'était vrai ? Puis je regarde mes filles et je constate que ça ne l'est pas.
Aujourd'hui, en effectuant diverses recherches j'ai découvert des témoignages d'enfants unschoolés aujourd'hui adultes et certains regrettent d'avoir passé leur enfance à jouer, dessiner, cuisiner... Selon eux, ils ont certes adoré jouer, dessiner, cuisiner, ils ont de formidables souvenirs d'enfance... mais ils ont eu le sentiment de ne pas apprendre assez, le sentiment que ça ne les avait pas préparés à leur vie future, qu'il avait été ensuite difficile de s'insérer dans la vie professionnelle d'autant qu'ils n'avaient pas réussi d'examens... Je ne crois toujours pas aux examens indispensables : le bac est ou a été le choix de M. et L., elles pouvaient effectuer un autre choix (lien).
Cette découverte de témoignages a conforté mes choix, à la suite de ces retours sur différents vécus, plusieurs voix se sont ensuite élevées, certaines expliquaient que les parents de ces anciens unschoolers n'avaient pas compris le unschooling... qu'il ne s'agissait pas d'attendre mais aussi de proposer... d'autres essayaient de rappeler tout ce qui avait été appris ainsi... Décidément le débat sur le sujet n'est pas prêt de se terminer...

De mon côté j'y ai entendu cet appel dont je parlais au début de mon billet : le besoin d'être instruit. 
Et pas plus aujourd'hui qu'hier je crois à une réponse unique, je m'interroge : tous les anciens non scos qui ont vécu le même unschooling que ces témoins, un unschooling sans propositions sans formel, partagent-ils cet avis ? Je n'en suis pas persuadée... par contre ce dont je suis certaine, c'est que ce unschooling-là n'aurait pas pu nous convenir à nous.
Je crois aussi que nul ne peut dire à autrui ce qu'il doit faire car il me semble impossible d'être assuré d'une vérité unique. Les échanges, eux, restent constructifs. Sans échanges je n'aurais sans doute pas osé tenter toutes les expériences pédagogiques qui convenaient à mes filles. ☺

Mes livres sur l'instruction en famille : 

Commentaires

  1. Grand merci pour ton témoignage! J'espère avoir la même satisfaction dans plusieurs années: celle d'avoir su guider, nourrir de savoir chacun de mes enfants, et avoir su leur donner ce besoin insatiable d'apprendre... Bonne soirée et bonne nuit! :)

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  2. un grand merci chez moi aussi ! ça tombe à pic avec mes réflexions actuelles sur le type d'IEF dont F. aura besoin... et dont moi j'aurai besoin !

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    1. Les blogs sont aussi là pour ça : échanger. ;) Bonne réflexion et très bonne journée !

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  3. "Une famille est toujours unique et il me semble important de prendre en compte les besoins de chacun : besoin des parents, besoin des enfants pour parvenir à un équilibre familial"
    Absolument d'accord...Beau billet , merci!

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  4. Merci pour ces réflexions ! Après 6 and d'IEF, je goûte toujours avec joie leur envie d'apprendre, qui se poursuit aujourd'hui à l'école Montessori. Le totalement informel ne nous a pas convenu non plus, il a fallu trouver une juste adaptation entre propositions et apprentissages spontanés. Merci encore !

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    1. Merci pour ce retour. Contente de lire que cette joie d'apprendre se poursuit dans un autre lieu, j'aime quand les écoles savent prolonger ce bonheur. :)
      Bonne soirée !

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