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Pourquoi l'instruction en famille est si importante pour moi

Il y a bientôt 16 ans l'instruction en famille a pointé son nez dans ma vie.  
J'ignorais tout, j'avais tant à découvrir. J'ignorais jusqu'où tout cela allait m'emmener.
A cette époque, je savais seulement que ce n'était plus tenable : mes enfants étaient en grande souffrance dans le système scolaire. Pas en échec même si l'une peinait de plus en plus à compenser. Non, en souffrance face à un système qui ne leur convenait pas en raison d'un profil particulier.

L'instruction en famille du côté de mes enfants aujourd'hui adultes

Après une étape "digestion du vécu scolaire difficile", très rapidement la plus jeune, celle qui avait souffert le moins longtemps s'est épanouie sans école.  
L'aînée avait besoin de plus de temps. Elle a adoré apprendre ainsi, enfin enfin pu s'épanouir dans ses apprentissages et retrouvé le plaisir de chercher. Un contrôle irrespectueux de ses besoins a hélas ravivé des souffrances scolaires. 
Après des années sans école, chacune a retrouvé un bonheur de chercher jamais perdu depuis. 
Chacune d'elle a acquis des connaissances durables. Toutes les deux sont diplômées, toutes les deux ont un métier. 
Le système scolaire n'ayant pas évolué (même les enseignants partent de plus en plus nombreux), ce système étant toujours plus normatif et évaluatif (ce qui brise bien des ailes), toutes les deux souhaitent instruire leurs enfants.

L'instruction en famille en tant que maman

En prenant la décision longuement réfléchie de les déscolariser, j'ai ressenti des émotions multiples, en particulier joie, hâte, soulagement et peur ! Peur de mal faire, peur de ne pas être à la hauteur, peur des rejets extérieurs, peur de me tromper. Ce n'est pas si facile de sortir des chemins habituels. 
Il y a eu énormément de joies, mais aussi des doutes. L'instruction en famille n'est pas un chemin linéaire, c'est fréquemment un chemin de remise en question et de modifications. 
Mon objectif était de les accompagner au mieux et plus j'avançais, plus je découvrais que je ne savais rien malgré ma formation d'enseignante. 
C'est ensemble que nous avons tracé notre chemin et très vite, j'ai découvert avec stupeur que nous apprenions ensemble ! 
C'était donc pour cela qu'on parlait d'instruction en famille et non d'école à la maison !
Car oui, depuis les confinements plus encore, on confond énormément les deux, mais c'est très différent.
L'instruction en famille a bien des visages : certaines familles reproduisent en effet un modèle d'école à la maison, mais il y a tant d'autres possibilités. 
Et il y a surtout l'essentiel : le fait de grandir ensemble.
En instruisant en famille, je n'étais plus seulement leur maman, je n'étais pas leur enseignante, j'étais leur accompagnatrice et puis, de plus en plus souvent, celle qui apprenait d'elles. Car en les encourageant à suivre leurs passions et leurs intérêts, ce sont elles qui ont fini par me faire découvrir leur univers et "m'apprendre".

L'instruction en famille en tant que femme et ancienne petite fille

Enfant, j'étais une bonne élève et pourtant... quel ennui ! Toujours répéter la même chose, encore et encore alors même que je le savais depuis longtemps... Le pire ayant été cette année de CP où j'ai eu le sentiment qu'on me "vidait la tête" car j'avais appris à lire seule à 4 ans et on se contentait d'ânonner encore et encore des syllabes... Mon seul moment de plaisir durant cette interminable année était le conte chanté du vendredi... 
Les autres années ne furent guère mieux, toujours tout survoler... Attacher des brides de connaissances les unes derrière les autres sans jamais de véritable lien, en survolant sans arrêt, sans jamais poursuivre cette folle curiosité qui me rongeait et que je devais cacher chaque jour davantage... 
Et puis il y eut le harcèlement au collège... Même plus la consolation des copains de récréation. Juste la souffrance tous les jours.
L'école n'était pas non plus faite pour moi. 
Ne nous trompons pas, je ne pense pas que l'école soit une mauvaise chose. J'y ai été heureuse quelques temps malgré tout, j'y ai aussi souffert et pourtant, je me suis formée pour devenir enseignante. L'école est une chance pour bien des enfants et je pense que certains y sont heureux. 
Il est cependant indispensable qu'il existe d'autres alternatives à une école pas toujours adaptée. 
Et cela tout au long de l'année !
L'instruction en famille m'a permis de renouer avec la petite fille d'autrefois. Quel bonheur de sentir jour après jour les vibrations de ce bonheur d'apprendre que j'avais perdu en étouffant à l'école. Quel bonheur d'apprendre avec mes enfants ! 
Quel bonheur aussi de trouver ma place auprès de cette communauté qui est la mienne : celle des familles sans école. 

L'instruction en famille en tant que citoyenne

Quelle méconnaissance manifestée lorsqu'on parle de séparatisme... Les familles sans école sont tellement tellement différentes ! Il y a des familles modestes, très modestes et des familles avec des revenus confortables ou très confortables. Il y a des familles très diplômées ou moyennement et des familles sans diplômes. Il y a des familles monoparentales, des familles plus classiques, des familles homoparentales, des familles nombreuses. Il y a des familles "un parent qui bosse", d'autres avec deux parents salariés, etc. Il y a des familles athées et des familles croyantes. Il y a des familles modèle scolaire, des unschoolers, des familles qui mixent formel et autonomie. Il y a des familles blondes, des brunes, des rousses, des grands, des petits, des peaux mates et d'autres blanches. Il y a des yeux clairs, des yeux bruns. Il y a autant de raisons d'arriver à l'instruction en famille qu'il y a de familles. 
Le seul point commun toujours partagé, c'est celui de ne pas aller dans une école. 
Et la quasi totalité du temps, de vouloir simplement faire le meilleur choix pour son enfant. 
Pas un choix qu'on veut imposer à d'autres, non simplement un choix personnel et familial.

L'instruction en famille en tant que professionnelle

Tout d'abord bénévole, j'ai fini par créer mon activité autour de l'instruction en famille. Pour partager mes découvertes dans l'accompagnement autrement de profils particuliers. Pour proposer aux autres familles ce qui m'avait manqué, ce que j'aurais aimé avoir le temps de créer : des supports "solides" et complets pour nourrir mes petites curieuses aux besoins particuliers. 
Très clairement sans l'instruction en famille, je n'aurais pas cerné certains besoins et pas imaginé des supports alternatifs, une autre approche. 
La semaine dernière, j'ai consacré des dizaines d'heures à réaliser des rapports pédagogiques complets afin d'expliquer en détail aux inspecteurs ce que nous proposons dans nos programmes, ce qui est censé avoir été fait, ce qui est prévu. 
Et plus le temps passait, plus mon malaise grandissait... Ce soir, j'ai pu mettre le doigt sur les raisons de celui-ci. 
Année après année, les limitations sur l'instruction en famille ont grandi en France... Un coup de massue a été porté avec les demandes d'autorisation. Pour obtenir l'autorisation, plus de familles se sont tournées vers des cours par correspondance, un modèle d'école à la maison, une réponse adaptée à certains, un modèle qui ne convient pas à d'autres (ici aussi nous avons tenté : les mêmes problèmes qu'avec le système scolaire se présentaient). Le choix de cours par correspondance n'a rien garanti. Il y a eu tellement de refus scandaleux, parfois même pour des enfants en grande souffrance... comme si les enfants ne comptaient plus et que seul un modèle devait primer. Pourtant lorsqu'un emploi ne convient pas, on peut en changer... Pourquoi est-ce que ce serait différent pour les enfants ? Je ne parviens toujours pas à comprendre comment "l'intérêt supérieur de l'enfant" a ainsi pu être mis de côté...

Bref, je m'égare. 
Les peurs ont grandi chez les familles sans école...
J'ai rédigé ces rapports pour que les familles multiplient les chances d'un rapport positif car face aux abus de cet été, difficile d'être sereins face aux contrôles. Pour ma part, je suis plutôt optimiste de nature donc j'ose croire que la majorité des personnes en charge du contrôle seront des personnes ouvertes et qui réaliseront consciencieusement leur travail, respectant la loi
Dans le doute, j'ai tout de même réalisé ces rapports alors qu'un des fondements de notre univers est d'offrir beaucoup pour avoir le choix ! 
Le droit d'apprendre à son rythme, le choix de suivre ses intérêts, le droit de nourrir sa curiosité. 
Je me suis souvenue de ces listes interminables que je réalisais au début de l'instruction en famille. Ces listes qui sont rapidement devenues obsolètes. L'instruction en famille vécue au rythme de l'enfant, ce n'est pas une liste, pas un pronostic, c'est la vie. 
Jour après jour. 
Avec des écarts au planning. 
Avancer parfois plus vite, parfois autrement, parfois plus lentement. 
Simplement grandir et vivre. 
Simplement apprendre à son rythme unique.
Alors demain, j'ajouterai un mot en plus de nos rapports pour préciser ça et soutenir encore plus les familles qui voudront le joindre. 
Pour redonner ses droits à l'instruction en famille*.
Pour ne pas oublier pourquoi bien des familles choisissent l'instruction en famille : pour leur enfant. 

Le Monde de Mei et Noé
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*Bien des combats sont actuellement menés pour assouplir la mise en pratique de la nouvelle loi et remettre en question la loi d'autorisation actuelle : en particulier recours juridiques, actions de désobéissance civile menée par quelques dizaines de familles, deux projets de loi.


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